Nuisible ! Vous avez dit nuisible ?
Photo libre de droit (auteur : David Mark)
"On a beau n'être qu'un renard et n'avoir, selon vos critères, qu'une intelligence limitée, on se demande comment vous pouvez soutenir de telles absurdités ! Il est vrai que depuis que vous êtes entrés dans l'ère de la post-vérité, les mensonges éhontés, les affirmations de la pire mauvaise foi dépassent tout ce qui avait été répandu sur notre compte dans le seul but de nous persécuter. Mais pourquoi tant de haine ?

(...) depuis 2016, on ne doit plus parler d'espèces nuisibles, mais d'espèces "susceptibles d'occasionner des dégâts" ! C'est, je crois, ce que vous appelez une périphrase, non ? Une manière plus écologiquement correcte de dire la même chose. (...) Vaut-il mieux se prendre un coup de fusil en tant que nuisible ou en tant qu'espèce susceptible d'occasionner des dégâts ? Est-ce que le résultat est moins douloureux ? Car, si vous avez changé la terminologie, votre manière de traiter ce qui vous gêne reste toujours la même."


Voici le début d'un article paru dans le numéro 60 de la revue "Nat'Images", où les auteurs Gabrielle et Patrick Ledoux se mettent dans la peau d'un renard répondant à une interview.

Ils y soulignent avec justesse les très nombreux préjugés qui accompagnent ce malheureux animal, et qui, tout comme le loup, doit également supporter les légendes des siècles passés.

La plus populaire des croyances est celle du croqueur de poules, qui leur a valu d'être classé comme nuisible. Si dans le passé, quand les poules étaient en liberté, vaquant au milieu de lapins et autres animaux de la ferme, il était en effet un prédateur occasionnel (alors que le véritable prédateur bien méconnu était la fouine), il lui est aujourd'hui bien plus difficile de se faufiler, contrairement à celle-ci, dans des élevages dignes de camps de concentration entourés de grillages infranchissables et où tous les points d'affut indispensables tels que les haies ont été supprimés.

En France, de 600 000 à 1 000 000 de renards sont tués chaque année. Pourtant, sa population reste identique... Et là est la réelle méconnaissance du sujet. Le renard est un animal extrêmement intelligent, et contrairement à une espèce bien connue, il sait très bien s'adapter à son environnement et se régule de lui-même. Donc peu importe le nombre de renards tués, il y en aura toujours autant que le permet son environnement. Et s'il se plaît si bien chez nous, c'est évidemment lié à notre gestion des espaces agricoles et forestiers qui permet la prolifération des rongeurs, sa nourriture première, ainsi que tous les "gibiers" élevés pour la chasse et devenus des proies extrêmement faciles. De la même façon, s'il se plaît de plus en plus dans les villes c'est également de notre responsabilité avec des poubelles débordant de nourriture (quand nous ne les nourrissons pas directement comme dans certaines grandes villes comme Bruxelles).

L' "interview" revient ensuite sur le changement de statut du renard. De par sa nature de "nuisible", on ne s'interrogeait pas scientifiquement parlant de ses éventuels "méfaits", on était au contraire dans l'affect avec des notions primaires telles que "utile" ou "beau" et bien sûr leurs opposés. Une notion toute relative selon où on se place... Le changement de statut en "espèce susceptible d'occasionner des dégâts" laisse par contre planer quelques questions, comme son objectivité et la définition du terme "susceptible" qui reste extrêmement vague et qui ne sera de toute façon jamais étudié scientifiquement de par son coût et le temps que cela demanderait.

Et qui pousse à étendre chaque année la liste des animaux à réguler, sinon le lobby de la chasse ? Si les auteurs insistent sur cela, c'est bien parce qu'il s'agit des seuls intérêts portant à légiférer. Car quand on étudie de plus près les vagues motifs de santé publique, on se rend vite compte qu'ils ne sont pas viables. La rage a disparu depuis une quinzaine d'années, et grâce à un vaccin, pas par la tentative d'extermination de l'espèce qui n'a joué aucun rôle là-dedans, et les autres maladies dont on l'accuse de propagation sont tout aussi véhiculées par nos amis à 4 pattes que sont les chats et les chiens (dont on a heureusement jamais évoqué l'éradication). Méconnaissance du sujet ou rejet volontaire dans un but inavouable ? Le nombre d'espèces d'oiseaux en grand danger toujours chassées sur notre territoire peut également nous aider à nous faire une idée (sans compter les espèces chassées illégalement). D'autant plus si nous osons comparer avec nos pays voisins...

J'arrête volontairement ici le commentaire de cet article que j'ai déjà beaucoup trop paraphrasé. Sa conclusion explicitant à quel point l'homme est à côté de la plaque (le renard est un allié et non un ennemi) est tellement bien écrite que je ne veux pas la plagier ni tenter maladroitement de la réécrire à ma façon. Je ne peux donc que vous encourager à vous procurer cette revue pour la lire.

Et pour conclure cet article, je laisserai la parole à maître renard :

"Si on éliminait de l'espèce humaine tous ceux qui sont "susceptibles d'occasionner des dégâts", croyez-vous qu'un seul d'entre vous survivrait ?"